Effondrement d'un mur de soutènement en l'absence de dispositif de gestion des eaux pluviales sur le terrain : qui paye les dégâts après une inondation reconnue catastrophe naturelle ?
- sylviemarcilly
- 12 oct.
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Dernière mise à jour : 16 oct.

⚖️ Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 1re chambre, 19 septembre 2025, n° 20/12435
Les circonstances
Le 21 mai 2008, les époux F. ont vendu une maison individuelle située à Mougins (06) à la SCI R.
Cette villa avait été édifiée par la société C., avec une garantie décennale assurée par la Sté S.
Monsieur D. et Madame I., associés et co-gérants de la SCI R., occupaient le bien en qualité de locataires.
Les 30 octobre et 1er novembre 2010, un événement majeur survient : l'effondrement du mur de soutènement - construit dans les années 1980 - bordant la propriété sur environ 35 mètres.
Cet effondrement affecte également la propriété voisine de Monsieur E., située en contrebas, dont l'accès se trouve alors obstrué par les débris et la terre glissée.
Par arrêté du 30 mars 2011, l'état de catastrophe naturelle est reconnu pour la commune de Mougins concernant les inondations et coulées de boue survenues du 31 octobre au 1er novembre 2010.
Quelles parties sont tenues de réparer les dégâts ?
le vendeur, au titre de la garantie des vices cachés ?
l'assurance habitation, au titre de la garantie catastrophe naturelle ?
le constructeur de la maison et son assureur, au titre de la garantie décennale ? ou de la garantie "responsabilité civile" ?
La Cour statue en se fondant sur l'analyse des responsabilités ou imputabilités retenues par l'Expert Judiciaire dans son rapport. Quatre facteurs étaient à l'origine du sinistre selon l'Expert :
l’intempérie reconnue comme catastrophe naturelle,
un défaut de construction du mur de soutènement,
un défaut d'entretien du mur de soutènement,
l’absence de dispositif de gestion des eaux pluviales sur le terrain, lequel était pourtant exigé par le permis de construire et recommandé par une étude géotechnique, cette dernière étant par ailleurs connue des vendeurs et du constructeur.
La Cour rappelle :
"L'expert conclut que «'la cause déclenchante du sinistre du 1er novembre 2010 est l'abondance des intempéries qui a induit (cause déterminante) en l'absence de tout dispositif de gestion des eaux pluviales sur la propriété de la SCI Robinson (équipement pourtant obligatoire au permis de construire) des poussées hydrostatiques importantes à l'arrière du mur existant manifestement sous-dimensionné (non conforme aux règles de l'art) et sans aucun entretien au cours du temps »
La Cour retient en conséquence :
la responsabilité du vendeur (15 %),
et la responsabilité civile de droit commun du constructeur (85 %).

Le vendeur est tenu de garantir le sinistre, au titre de la garantie des vices cachés.
En premier lieu, la Cour d'Appel condamne les vendeurs, sur le fondement de la garantie des vices cachés (article 1641 du Code Civil), écartant la clause élusive de l'acte de vente, car il était établi qu'ils avaient eu connaissance de l'absence de dispositif de gestion des eaux pluviales sur le terrain.
L’expertise judiciaire avait mis en lumière l’absence totale de dispositif de gestion des eaux pluviales et la non-conformité du système d’assainissement, pourtant préconisés par le bureau d’études G. dès 2004.
La Cour souligne que ce sont ses défauts, non apparents à l’achat, qui ont conduit à l’effondrement du mur en 2010.
La Cour d’appel retient que les époux [F], maîtres d’ouvrage, avaient connaissance du rapport d’étude et de ses préconisations avant la vente, mais n’ont pas fait réaliser les travaux ni informé les acquéreurs de ces manquements.
Elle en déduit leur mauvaise foi, condition qui rend inopérante la clause de non-garantie des vices cachés figurant à l’acte de vente.
Ainsi, conformément à la jurisprudence constante, la Cour écarte la clause exonératoire au motif que le vendeur ne peut se prévaloir d’une stipulation protectrice s’il a sciemment dissimulé le vice.
In fine, les vendeurs sont tenus de prendre en charge 15 % du coût du sinistre, pour les motifs ici synthétisés :

Le constructeur et son assureur, sont également tenus de réparer le sinistre, sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun.
La Cour retient qu'il :"appartenait donc à la société C., seule intervenante sur le chantier des époux [F] et en l'absence de maître d'œuvre, de s'assurer, notamment lors de la signature du procès-verbal de réception, que l'ensemble des prescriptions figurant au permis de construire avaient été respectées et pour le moins d'informer les époux [F] des risques encourus, au vu des conclusions du rapport du BET G. du fait de l'absence de dispositif de gestion des eaux pluviales."
Elle ajoute : "L'expert précise d'ailleurs sur ce point, que la société C. a présenté un procès-verbal de réception sans réserve « sans même préciser qu'un élément de sécurité indispensable et obligatoire et de ce fait indissociable de l'acte de bâtir la villa n'avait pas été réalisé (gestion des eaux pluviales) ni même préciser que le dispositif d'assainissement des eaux usées (réalisé par la société S.) était non conforme aux règles de l'art ».
Le constructeur et son assureur sont tenus de prendre en charge 85 % du coût du sinistre, pour les motifs ici synthétisés :

Le sinistre ayant touché un ouvrage non construit par le constructeur de la maison (le mur de soutènement), l'assureur couvrant la garantie décennale est mis hors de cause, et est condamné l'assureur couvrant la RC du constructeur à l'époque de la réclamation.
Le recours contre l'assurance de catastrophe naturelle n'est pas véritablement examiné car il est jugé prescrit.
La garantie aurait pu s'appliquer si la Cour avait suivi l'avis de l'Expert Judiciaire, ayant retenu que la cause déterminante du sinistre était bien l'évènement climatique reconnu catastrophe naturelle, en application de l'article L.125-1 du Code des Assurances.
Sylvie MARCILLY - Avocat - Indemnisation des victimes de sinistres immobiliers - sylvie.marcilly@avocat.fr





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