Assurance « multirisque professionnel » : la garantie « pertes d’exploitation ».
Objet, méthode de calcul, quand est-elle réglée par l'assureur ?
1. La police « multirisque entreprise » couvre les dommages immobiliers, mobiliers et les pertes d’exploitation ou financières subis par l’entreprise ou le professionnel en cas de sinistre.
Les polices multirisque entreprise couvrent les professionnels, notamment, de la perte de leurs biens immobiliers et mobiliers, de leurs outils d’exploitation, lorsqu’ils sont la conséquence de la survenance d’un événement accidentel tel qu’un incendie, un dégât des eaux, une tempête, etc.
Ces polices couvrent également, en règle générale - mais le professionnel qui se voit proposer un contrat d’assurance doit le vérifier - le risque de pertes d’exploitation ou pertes financières résultant de la diminution ou de l’interruption de son activité professionnelle lors de la survenance de ces évènements.
Par exemple, si des locaux professionnels sont détruits par un incendie, l’entreprise qui y exploitait son activité subira des pertes d’exploitation du jour de l’incendie jusqu’à l’achèvement des travaux permettant de réparer ou de reconstruire ces locaux.
2. La perte d’exploitation : objet et calcul.
Chaque assureur précise aux conditions générales du contrat d’assurance la méthode de calcul lui permettant d’estimer l’indemnité qu’il s’engage à verser à son assuré au titre de la garantie pertes d’exploitation.
En règle générale, les assureurs retiennent que l’indemnité versée correspond à :
a. perte de marge brute = recettes – dépenses permanentes
-
b. dépenses non engagées du fait du sinistre
+
c. frais engagés par l’assuré pour éviter ou limiter la perte de chiffre d’affaires jusqu’à la reprise d’activité.
Perte d’exploitation = a – b + c
L’assureur verse à l’entreprise – en principe chaque mois – depuis la survenance du sinistre et jusqu’à la reprise de son activité, une indemnité correspondant à sa perte d’exploitation mensuelle.
Cette garantie est en règle générale plafonnée à une durée, laquelle est fréquemment de 12 à 18 mois.
A noter : une perte d’exploitation n’est pas un préjudice immédiat, il existe souvent un écart temporel entre l'événement à l’origine de la perte d’exploitation et la traduction de cette dernière dans les comptes de la société.
La plupart des assureurs prévoient en conséquence que la garantie "pertes d’exploitation" couvre les conséquences financières de la diminutions temporaire de l'activité, le temps de retrouver le niveau d'activité qui était le sien avant que le sinistre ne survienne.
Par exemple, un restaurateur ayant fermé 8 mois en raison d'un dégât des eaux, subira un arrêt d'activité de 8 mois et pourrait subir encore une diminution d'activité, après réouverture, consécutive au sinistre, de 2 à 6 mois, le temps que sa clientèle habituelle constate que le restaurateur a réouvert et revienne s'y restaurer.
3. Quand l'indemnité "pertes d'exploitation" est-elle versée ?
L’assureur peut-il refuser de la régler tant que l'activité n'a pas repris ?
Par nature, la perte d’exploitation est un préjudice temporaire : l'assurance perte d’exploitation a pour objet de compenser les conséquences de l'interruption ou de la diminution de l’activité de l’entreprise pendant une période limitée (la période d'indemnisation), et non pas de façon définitive, sinon, l’assuré doit demander la mobilisation de la garantie « perte de fonds de commerce ».
Ce préjudice et la garantie qui l’indemnise durent ainsi le temps que l’entreprise reprenne son activité commerciale ou professionnelle, une fois tous les travaux, remplacements d’outils et machines, etc, achevés
En conséquence, les assureurs stipulent fréquemment au titre de la garantie "pertes d'exploitation" une clause d'exclusion libellée en ces termes :
« l'indemnité n’est pas due si l’assuré ne reprend pas son activité »
ou encore :
"aucune indemnité n'est due si, à la suite du sinistre, l'activité professionnelle assurée n'est pas reprise."
Malheureusement, cette clause de « reprise d’activité » incite les assureurs à refuser de régler l’indemnité due à leur assuré au titre de la garantie perte d’exploitation tant qu’il n’a pas repris son activité, ce qui est une erreur - pire, une aberration.
Cette clause signifie que si l’assureur a la connaissance mais également et surtout la certitude (ce dont il devra rapporter la preuve) que l’assuré ne reprendra pas son activité, il est fondé à refuser de mobiliser la garantie « pertes d’exploitation », puisque ce préjudice ne sera, alors, pas temporaire mais définitif.
Cette hypothèse est toutefois rarissime car, quel que soit l’événement accidentel survenu, il est quasiment toujours possible pour le professionnel de reprendre son activité :
le bâtiment dans lequel était exercée l’activité d’un commerçant ou d’un professionnel ayant subi une tempête, un dégât des eaux ou un incendie, sera réparé,
en admettant même qu’il ne soit pas réparable, le professionnel pourra reprendre son activité dans d’autres locaux.
Il faudrait donc imaginer qu’un local commercial :
- ait été totalement détruit,
- sans qu'aucune solution de remplacement ne puisse être trouvée,
- tandis que dans ce local était exploitée une activité dont la clientèle est extrêmement volatile, en sorte que, si la réparation des locaux n’intervenait pas assez rapidement, le professionnel ne pourrait pas éviter la fuite immédiate de ses clients – hypothèse rarissime.
L’assureur doit donc, sauf dans cette hypothèse rarissime dont il doit rapporter la preuve, régler mensuellement à l’assuré une indemnité compensant sa perte d’exploitation, jusqu’à sa réouverture et la reprise de sa pleine activité (ou jusqu’au plafond de garantie).
A défaut, l'assureur commet une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de son assuré, ouvrant droit à réparation pour les dommages causés, car en dénaturant l'objet de cette clause d'exclusion :
- il oblige son assuré à trouver des solutions alternatives pour assurer la survie de son entreprise, lesquelles sont coûteuses (emprunt), contraignantes (utilisation de réserve de trésorerie),
- et dans l'hypothèse la plus défavorable, il précite son assuré vers la fermeture définitive de son entreprise, par suite d'une insuffisance d’actifs.
A ce titre, il doit être rappelé qu'en pratique, il est impossible de reconstituer instantanément le potentiel de production et les stocks d’une entreprise.
Au contraire, les durées de reconstruction, de réinstallation des machines, de réapprovisionnement des produits et, enfin, de reprise d'une activité normale, se comptent en mois.
En outre, durant ce temps de diminution ou d'arrêt d’activité temporaire, l’entreprise ou le professionnel sont tenus de continuer à devoir régler un grand nombre de charges fixes (loyers, salaires, charges sociales, impôts, taxes, remboursement des échéances mensuelles d’un emprunt, etc), ceci alors qu’ils perdent brutalement leurs recettes.
En conséquence, le risque de perte d'exploitation est fréquemment mortel pour une entreprise non assurée à ce titre.
Les études réalisées établissent que deux entreprises sur trois, victimes d'un sinistre important et non assurées pour leurs pertes d'exploitation, ferment dans les deux années qui suivent, le recours à l’épargne personnelle ou aux crédits bancaires étaient limités et par suite, insuffisants.
Ainsi, la garantie perte d’exploitation a précisément pour objet de soutenir financièrement l’entreprise ou le professionnel par le versement de cette indemnité destinée à compenser la perte brutale de ses recettes, en d’autres termes, à assurer sa survie financière, le temps de sa réouverture.
L’indemnité doit donc être versée à l’assuré avant reprise d’activité, sinon elle ne pourra pas la reprendre.
En conséquence, juridiquement, contrairement à ce que certains assureurs multirisque entreprise prétendent, par une dénaturation de cette clause d'exclusion, le professionnel est en droit d'exiger de son assureur le paiement immédiat des indemnités dues au titre de la garantie "pertes d'exploitation", avant reprise d'activité, ce qui se traduira pas le versement de provisions le temps que l'entreprise retrouve son niveau d'activité avant sinistre et que l'expertise comptable diligentée par l'assureur soit terminée.
Merci Maître pour cet éclairage.