Lorsque des copropriétaires ou des voisins d’un immeuble en copropriété subissent des dommages trouvant leur origine dans les parties communes : qui peut agir en réparation ?
I. Les actions que peuvent engager les copropriétaires et celles réservées au Syndicat des copropriétaires.
1. La Cour de Cassation est venue rappeler, par un arrêt récent rendu le 8 juin 2023 (Cass. Civ. 3ème, 8 juin 2023, pourvoi n°21-15.692), qu’un copropriétaire ne peut pas solliciter le paiement des travaux réparatoires de désordres affectant les parties communes d’un immeuble en copropriété, même si ces désordres lui causent un préjudice personnel.
La Cour de Cassation a motivé sa décision en ces termes :
« Aux termes de l'article 14, alinéa 4, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, le syndicat a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes.
Aux termes de l'article 15, alinéa 1er, de la même loi, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble.
Il résulte de la combinaison de ces textes que si un copropriétaire peut, lorsque l'atteinte portée aux parties communes, par un tiers à la copropriété, lui cause un préjudice propre, agir seul pour la faire cesser, il n'a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état rendus nécessaires par cette atteinte, qu'il revient au seul syndicat des copropriétaires de percevoir et d'affecter à la réalisation de ces travaux.
Ayant relevé que les sommes réclamées visaient à réparer des désordres constructifs et des non-conformités à la réglementation relative à l'accessibilité des personnes à mobilité réduite affectant les parties communes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que les demandes des copropriétaires contre les constructeurs au titre des travaux de reprise étaient irrecevables.
Elle a ainsi légalement justifié sa décision. »
Cette décision est légitime juridiquement ; elle a l’avantage d’assurer à la collectivité des copropriétaires que les indemnités versées par le ou les responsables des dommages leur seront attribuées et non au seul copropriétaire qui aurait agi en réparation.
2. Reste donc réservée au syndicat des copropriétaires l’action en réparation des dommages :
- affectant les parties communes de l’immeuble, par exemple, pour une toiture récemment rénovée dont la garantie décennale du couvreur peut être mobilisée,
- affectant les parties privatives de l’immeuble – en totalité ou partiellement - s’ils ont pour origine un vice des parties communes, par exemple, pour remédier :
à un dysfonctionnement de l’installation de chauffage – climatisation (Cass. Civ. 3ème; 8 juin 2023 pourvoi 21-22.420),
à un défaut de fabrication généralisé de toutes les robinetteries des appartements (Cass. Civ. 3ème 14 nov. 1990 pourvoi n°88-12.995),
et même à une nuisance olfactive (CA PARIS, 23ème chb. Section B, 29 janvier 2009, n°06/21543).
3. Les copropriétaires sont, quant à eux, recevables à agir contre le tiers responsable d’une atteinte :
- à leurs parties privatives, naturellement,
- mais également, aux parties communes de l’immeuble dès lors qu’ils en subissent les conséquences à titre personnel, pour faire cesser ce dommage et obtenir l’indemnisation de ses conséquences.
Par exemple, un propriétaire bailleur a été jugé recevable à agir contre les constructeurs d’une verrière – partie commune de l’immeuble – non conforme à la règlementation en matière de sécurité incendie, ayant pour incidence de priver son locataire commercial de la possibilité de faire usage de la cour à usage privatif située au-dessous :
« Mais attendu qu'ayant relevé que la cour intérieure avait été affectée à la jouissance exclusive du lot n° 1 et que du fait du mode constructif de la verrière qui la surplombe, l'exploitation du local commercial dans ce lot était compromise en raison de la violation de la réglementation en matière de sécurité incendie relative aux bâtiments accueillant du public, la cour d'appel a pu retenir que M. X... justifiait d'un préjudice personnel lui conférant intérêt à agir à l'encontre de toute personne qui serait reconnue responsable de cette violation et de ses garants. »
Cass. Civ. 3ème 10 février 2010 n°09-10418
II. Les actions que peuvent engager les voisins de l’immeuble en copropriété : qui est responsable en cas de dommages causés par les parties communes ?
1. Le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux tiers par l’état de l’immeuble en application de l’article 14 alinéa 5 de la Loi 65-557 du 10 juillet 1965 disposant :
« Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires. »
Le Syndicat des copropriétaires est responsable « de plein droit », c’est-à-dire sans qu’il soit nécessaire pour le tiers victime de rapporter l’existence d’une faute de la copropriété, notamment, dans l’administration ou l’entretien des parties communes.
2. Le Syndicat des copropriétaires peut engager un recours contre le responsable de l’état des parties communes ayant causé des dommages aux tiers, par exemple, contre le propriétaire - et ses artisans et leurs assureurs - qui auraient réalisé des travaux ayant déstabilisé la structure de l’immeuble :
- effondrement d’un plancher par suite d’un stockage trop important de matériels de chantier au centre du plancher,
- ouverture d’une trémie pour la création d'un escalier dans un plancher, ayant provoqué son effondrement,
- suppression d’un conduit de cheminée ayant causé l’effondrement partiel du mur pignon.
3. Cette responsabilité peut également être partagée entre le syndicat des copropriétaires et son administrateur - le syndic - quand les dommages causés par l’état des parties communes (parfois, son défaut d’entretien) sont dus à l’inaction de l'un et de l'autre.
Il a ainsi été retenu par la Cour de Cassation qu’un syndic avait manqué à son obligation d’information et de diligence en ne mettant pas à l’ordre du jour des assemblées générales des travaux d’ampleur et des résolutions relatives à la remise en état des installations défectueuses et devait, par suite, voir sa responsabilité engagée à hauteur de 40 % pour les désordres causés aux tiers par l’état de l’immeuble non entretenu :
« Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu'il ressortait du rapport d'expertise que le syndicat des copropriétaires, qui était nécessairement informé de l'état de la construction dont la conception était en cause, était en mesure de décider des travaux pour remédier au défaut d'étanchéité des étages supérieurs et que le syndic avait manqué à ses obligations d'information et de diligence en ne mettant pas à l'ordre du jour des assemblées générales des travaux d'ampleur et des résolutions relatives à la remise en état des installations sanitaires du sixième étage, la cour d'appel a pu en déduire que la responsabilité des désordres devait être partagée entre le syndicat des copropriétaires et le syndic selon une proportion qu'elle a souverainement fixée. »
Cass. Civ. 3ème 21 déc.2017 pourvoi 16-25753
Rappelons à ce titre que l’article 18 I. alinéa 3 de la Loi 65-557 du 10 juillet 1965 dispose que le syndic est chargé :
« d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci. »
Ainsi, en cas d’urgence, le syndic doit faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous les travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble.
Le Syndic ayant l’interdiction de faire réaliser des travaux sans autorisation des copropriétaires, comment la Jurisprudence a-t-elle interprété la notion de « travaux urgents indispensables à la sauvegarde de l’immeuble » ?
La Jurisprudence considère qu’il s’agit des travaux indispensables à la solidité et la salubrité des biens, qui apparaissaient devoir être réalisés en urgence pour éviter qu’ils ne s’aggravent davantage et menacent de manière grave et imminente la sécurité des personnes.
Tel serait le cas d’une intervention consistant à désengorger une descente d’eaux usées, qui occasionneraient des dégâts des eaux récurrents générant une insalubrité des logements occupés, ou à faire réaliser un confortement provisoire permettant de conjurer une menace grave et imminente d’effondrement.
Par conséquent, si le syndic n’en prend pas l’initiative, il peut porter la responsabilité – potentiellement entière – des dommages aux tiers qui résulteraient de l’absence de réalisation de ces travaux.
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