Diagnostics immobiliers et garantie des vices cachés : l’acquéreur informé ne peut plus se dire trompé.
- sylviemarcilly
- 3 nov.
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⚖️ Cour d'appel de Poitiers - 1ère chambre civile - 21 octobre 2025 RG n° 24/00193

La vente immobilière et les vices découverts par l'acheteur
Par acte authentique du 9 novembre 2021, Madame C. a acquis de la SCI F. un immeuble d’habitation au prix de 129 000 €.
Peu après la vente, elle affirme avoir découvert plusieurs anomalies — des défauts électriques, un chauffe-eau défaillant et une absence totale d’isolation — qu’elle estime relever de la garantie des vices cachés du vendeur (article 1641 du Code civil).
Après des échanges infructueux avec le vendeur, Madame C assigne la SCI F. devant le tribunal judiciaire de La Rochelle, sollicitant la condamnation du vendeur à lui verser 14 554 € de dommages et intérêts.
Les positions et arguments des parties
1. L’acquéreur.
Mme C. soutenait que les diagnostics obligatoires (électricité, performance énergétique, etc.) ne lui avaient pas été communiqués avant la vente, ou l’avaient été sous une forme inexploitables. Elle prétendait avoir découvert tardivement que :
l’installation électrique, prétendument remise aux normes, était dangereuse (radiateurs branchés sur prises ordinaires, absence de protection différentielle, risque d’incendie),
le chauffe-eau, présenté comme récent, avait dû être remplacé quelques mois après,
la maison était dépourvue d’isolation, alors que l’agent immobilier et la venderesse avaient indiqué le contraire.
Madame C. arguait que la SCI F., qui avait rénové elle-même le bien avant la mise en vente, devait être considérée comme vendeur professionnel, irréfragablement présumé connaître les vices affectant l’immeuble.
2. Le vendeur.
La SCI F. contestait le caractère caché du vice et la qualité de vendeur professionnel que lui opposait Madame C.
Elle soutenait que :
un diagnostic électrique du 7 juillet 2021 avait été joint au compromis de vente et mentionnait expressément plusieurs anomalies dangereuses, invitant à consulter un électricien ;
le compromis et l’acte authentique précisaient que l’acquéreur faisait son affaire personnelle de ces anomalies ;
le DPE, annexé à la promesse, indiquait clairement des murs non isolés et une dalle béton non isolée ;
la panne du chauffe-eau, intervenue sept mois après la vente, ne pouvait être assimilée à un vice préexistant.
Selon la SCI F., l’acquéreur était parfaitement informée des défauts évoqués et avait accepté la vente en l’état.
Sur l'absence de qualité de vendeur professionnel, la SCI F soutenait que les factures de matériels pour un montant total de 295 € ne justifiaient en rien la réalisation par ses soins de travaux permettant de la qualifier de vendeur professionnel.
Le parcours judiciaire
1. Le jugement du TJ de La Rochelle (9 janvier 2024).
Le tribunal a débouté Madame C de l’ensemble de ses demandes, considérant :
que les désordres invoqués n’étaient pas cachés, puisqu’ils figuraient dans les diagnostics annexés au compromis ;
que le compromis et l’acte de vente prévoyaient expressément que le prix tenait compte du coût des travaux à prévoir ;
que Madame C avait accepté la vente en l’état, sans recours contre le vendeur.
2. L’arrêt de la Cour d’appel de Poitiers (21 octobre 2025).
La Cour confirme le jugement.
a. Sur les vices cachés
La Cour retient que :
le diagnostic électrique faisait état d’anomalies connues avant la vente, de sorte qu'elles ne constituent pas des vices cachés ;
la panne du chauffe-eau, intervenue sept mois après la vente, ne prouve aucun défaut antérieur à la vente,
l’absence d’isolation était clairement indiquée dans le DPE, dont Madame C. avait reconnu avoir pris connaissance.
L'arrêt de la Cour d’appel s’inscrit dans une jurisprudence constante : dès lors que le diagnostic immobilier mentionne les désordres invoqués, l’acquéreur ne peut plus se prévaloir de leur caractère caché.
La clause de vente en l’état et la mention selon laquelle le prix tenait compte des travaux à prévoir avaient encore renforcé l'inapplicabilité de la garantie des vices cachés.
La Cour rappelle ainsi que l’acquéreur doit être vigilant : s’il dispose d’informations sur des anomalies, il lui appartient de faire procéder à des vérifications préalables ou de renoncer à la vente.
b. Sur la qualité de vendeur professionnel
La Cour constate que la SCI F n’est pas un vendeur professionnel, les seules factures produites (295 € de matériel datant de 2003) étant d'un montant dérisoire :
"Au surplus, Mme [C] n'établit pas que la SCI FINALMA aurait en l'espèce qualité de vendeur professionnel, faute de démontrer au regard des seules factures de matériels produites, datant de 2003 et pour un montant modique de 295 € qu'elle serait l'auteur de travaux relevant des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil. Elle avait sur ce point déclaré à l'acte authentique : ' Le vendeur déclare en outre ne pas avoir réalisé, sur l'immeuble vendu, de travaux nécessitant la souscription d'une assurance dommage-ouvrage, dans les dix dernières années' et l'inverse n'est pas démontré."
Les enseignements de l'arrêt :
Les diagnostics techniques constituent un rempart efficace contre les actions en garantie des vices cachés des acquéreurs, car ils rendent apparents les vices du bien vendu.
En cas de doute sur la structure ou un élément structurel du bien vendu, il est conseillé de faire établir tout diagnostic - même facultatif, tel qu'un diagnostic de l'état parasitaire -, pour sécuriser juridiquement la transaction et prévenir tout contentieux ultérieur.
Cet arrêt illustre la portée juridique des diagnostics, déterminants dans l’équilibre entre obligation d'information du vendeur et devoir de vigilance de l’acquéreur.
Sylvie MARCILLY, Avocat expert en sinistres immobiliers - indemnisation sinistres habitation & litiges assurances - sylvie.marcilly@avocat.fr

