Communication d'un incendie d'un terrain non bâti vers un immeuble bâti : à qui incombe le débroussaillage ?
- sylviemarcilly
- 3 nov.
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⚖️Cour d’appel de Paris le 10 septembre 2025 (Pôle 4 – Chambre 8, RG 24/07126), sur renvoi après cassation.

Le contexte et le parcours judiciaire
Le 16 août 2013 dans le département du Vaucluse, un feu de broussailles, survenu sur un terrain non bâti appartenant à la SCI P. (la SCI) s'est propagé à la propriété des époux [J].
La SCI est assurée auprès de la société A.D. et M. et Mme [J] sont assurés pour le risque dommages aux biens auprès de la société S.W.
SW indemnise ses assurés à hauteur de 245 062,16 €, puis tente d'exercer un recours subrogatoire contre AD, assureur du propriétaire du terrain d’où le feu est parti, sur le fondement de la communication fautive de l'incendie (article 1242 alinéa 2 du Code Civil).
Le Tribunal judiciaire de Paris (16 janv. 2020) condamne AD à rembourser SW de cette somme.
Appel est interjeté par AD et la Cour d’appel de Paris (8 fév. 2022) confirme le jugement.
La Cour d’appel condamne l’assureur de la SCI au motif que celle-ci n’avait pas débroussaillé son terrain.
AD forme un pourvoi et par arrêt du 25 janvier 2024, la Cour de cassation (3e civ., 25 janv. 2024, n° 22-14.081) casse entièrement l’arrêt au motif que l’obligation de débroussaillage ne pèse sur le propriétaire d’un terrain que s’il est situé en zone urbaine, ce que les juges du fond n’avaient pas vérifié :
"un propriétaire ne peut être soumis à une obligation de débroussaillement de son terrain, au titre des 3° et 4° de l'article L. 134-6 du code forestier, que lorsque celui-ci se trouve en zone urbaine."
La problématique juridique
Sur quel propriétaire pesait l'obligation de débroussaillage ?
A.D. soutenait que le terrain de son assuré est situé en zone agricole, en sorte qu'il n’était pas soumis à l’obligation de débroussaillage, laquelle pesait au contraire, selon le Code forestier (art. L.134-6 et L.134-8), sur le propriétaire du terrain bâti situé à proximité d’une zone boisée (les époux J.)
L'infirmation du Jugement par la Cour d'Appel de renvoi
La Cour d'Appel donne raison à AD, elle retient :
"ainsi qu'en justifie la société AD, il ressort de l'extrait du plan local d'urbanisme de la commune du [Localité 7] qu'elle communique, que l'immeuble de son assuré mais aussi celui de M. et Mme [J], sont situés en zone agricole.
Or, les dispositions des articles L.134-6 et L.134-8 du code forestier, déterminent les obligations des différents propriétaires en matière de débroussaillage, selon la situation du bien.
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Il résulte de ces dispositions une distinction entre les immeubles situés en zone urbaine et les autres.
S'agissant des immeubles situés dans une zone non urbaine comme c'est le cas en l'espèce, il résulte de la combinaison des articles L.134-6, 1°) et L.134-8, 1°) du code forestier que «'l'obligation de débroussaillement et de maintien en état débroussaillé s'applique pour les terrains situés à moins de 200 m des bois et forêts aux abords des constructions ['], sur une profondeur de 50 mètres'» et dans cette situation, les travaux de débroussaillement sont à la charge «'du propriétaire des constructions, [...] pour la protection desquels la servitude est établie'».
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En l'espèce, les immeubles litigieux étaient en zone non urbaine ainsi qu'en a justifié la société AD, il en résulte que c'est le propriétaire du terrain bâti qui avait l'obligation de débroussailler sur une profondeur de 50 m à partir de sa construction et non le propriétaire du terrain non bâti.
La société S.W n'est donc pas fondée à reprocher à la SCI d'avoir commis une faute en ne débroussaillant pas son terrain."
La Cour d’appel rejette la demande de S.W. et infirmant le jugement, considère qu’aucune faute n’est démontrée à la charge de la SCI car le terrain était situé en zone agricole (non en zone urbaine), en sorte qu'elle n'avait pas manqué à son obligation de débroussaillement, au contraire, celle prévue par le Code forestier (L.134-6 et L.134-8) incombait au propriétaire du terrain bâti (ici, les époux J), non au propriétaire du terrain non bâti (la SCI).
Le recours subrogatoire de S.W. est, par voie de conséquence, rejeté.
Synthèse sur les obligations de débroussaillage
Le débroussaillement consiste à diminuer la densité de la végétation afin de réduire la puissance d’un incendie, en limitant la quantité de matière inflammable, notamment à proximité des constructions.
Cette opération a également pour effet de freiner la propagation du feu en créant des zones de rupture au sein de la végétation.
En pratique, plus la quantité de combustible est faible, moins l’incendie sera violent ; et plus les arbres sont espacés des habitations ou les uns des autres, plus la progression des flammes sera difficile.
Il incombe aux propriétaires d'une construction située à moins de 200 m. d’un bois ou d'un massif forestier, de débroussailler sur une profondeur de 50 m., même si cela empiète sur les terrains voisins (article L.131-11 du Code forestier).
Une vidéo explicite de l'ONF sur le sujet à voir ici : Foire aux questions : les obligations légales de débroussaillement (OLD)
Un assureur peut-il opposer un refus de garantie si l'assuré a manqué à ses obligations légales de débroussaillement ?
L’article L.122-8 du Code des assurances dispose que l'assureur peut opposer une franchise majorée à 5.000 €. Le texte n’autorise donc pas, en lui-même, une déchéance totale de garantie.
Sylvie MARCILLY, Avocat expert en sinistres immobiliers - indemnisation sinistres habitation & litiges assurances - sylvie.marcilly@avocat.fr

