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  • sylviemarcilly

Non-obtention de financement par l’acquéreur et indemnisation du vendeur

Dernière mise à jour : 9 janv.



Depuis le début de l’année 2023 notamment, de nombreuses ventes n’ont pas pu faire l’objet d’une réitération après la promesse de vente, faute d’obtention de son financement par l’acquéreur, en raison de conditions d’obtention des crédits immobiliers endurcies du fait, notamment, de la progression des taux d’intérêts, laquelle réduit la capacité d’endettement de l’emprunteur, mais également, des normes d’octroi très strictes imposées par le HCSF ou par les établissements bancaires eux-mêmes.



A chaque foi, le vendeur aura perdu un temps précieux, voyant s’échapper au fil des mois la chance de pouvoir encore vendre à un acquéreur susceptible d’obtenir un financement à un taux acceptable, tandis qu’il aura réglé – durant ce temps - les charges liées à la propriété de ce bien (charges de copropriété, taxe foncière, électricité, etc…), sans percevoir de recette locative, puisque, dans la plupart des cas, il aura fait délivrer un congé à son locataire pour favoriser la vente, en termes de délai et de prix.



Le vendeur ne peut demander l’indemnisation des conséquences de ce temps perdu – puisqu’il a accepté cette condition suspensive à la promesse de vente - sauf si l’acquéreur n’a pas obtenu son prêt par sa faute.



Dans ce cas, le vendeur peut obtenir l’indemnité convenue à la promesse de vente (la clause pénale).



La notion de faute de l’acquéreur nourrit un contentieux abondant devant les Tribunaux.



Une synthèse de la Jurisprudence actuelle sur cette thématique m’a paru utile en ces temps si particuliers.



I. Rappel préalable sur la mise en œuvre de la condition suspensive d’obtention de prêt stipulée à la promesse de vente.



1. Lorsque l'acheteur souhaite acheter un bien au moyen d'un emprunt bancaire, la promesse de vente, qu’elle soit synallagmatique ou unilatérale, prévoit une condition suspensive laquelle – en règle générale - précise :


- Le montant emprunté, l’acquéreur ayant intérêt à y intégrer le coût des travaux à réaliser dans le bien acheté,


- La durée maximale de l’emprunt,


- Le taux maximal auquel il accepte d’emprunter,


- Le nombre d’établissements bancaires consultés,


- Enfin, les modalités et délais dans lesquels il devra :

  • d’une part, justifier du dépôt de demandes de prêts,

  • d’autre part, recevoir et/ou transmettre son offre ou ses refus de prêt.


Chaque notaire et chaque agent immobilier ayant ses habitudes rédactionnelles, même si elles ont des similitudes, aucune promesse de vente ne se ressemble.



La Loi n’impose qu’un seul délai, que les rédacteurs des promesses de vente doivent respecter : le délai de 30 jours minimum entre la signature de la promesse de vente et l’obtention de l’offre de prêt par l’acquéreur. En pratique, ce délai étant très court, les promesses de vente prévoient en règle générale un délai de 45 à 60 jours.



A ce titre, il convient de préciser que le vendeur ne peut pas valablement se désengager de la vente si l’acquéreur n’a pas remis, dans le délai fixé à la promesse de vente, la preuve de dépôt de demandes de prêt, car ce type de clause est considérée comme illicite, car plus exigeante que la Loi.

Cass. 3e civ. 12-2-2014, n° 12-27.182 : RJDA 11/14 n° 861



2. Lorsque l'acheteur remet son offre de prêt, la condition suspensive est réalisée et la vente peut être réitérée par acte authentique, en application de l’article 1304-6 alinéa 1er disposant : « L'obligation devient pure et simple à compter de l'accomplissement de la condition suspensive. »



Que se passe-t-il lorsque l’acheteur n’a pas remis son offre de prêt à temps ?



Deux hypothèses se présentent :



- Soit il renonce à la condition suspensive et achète le bien sans emprunt. Il devra pour cela y avoir renoncé avant la date fixée à la promesse de vente,


L’article 1304-4 alinéa 1er du Code civil dispose à ce titre : « Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n'est pas accomplie ou n'a pas défailli. »


S'il y renonce après le délai, l'incidence est la même car il perd le bénéfice de la condition suspensive.



- Soit il a remis ses refus de prêts, dans les formes et délais requis par la condition suspensive, la promesse de vente est alors caduque.


Le vendeur retrouve sa liberté de vendre et l’acheteur est libéré de son obligation d’acheter, en application de l’article 1304-6 alinéa 3 du Code Civil disposant : « En cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé. »



Le vendeur n’est alors pas indemnisé – qu’il s’agisse d’une promesse unilatérale ou synallagmatique de vente.



En conséquence, toute somme versée d'avance par l'acquéreur (dépôt de garantie) doit lui être restituée sans retenue ni indemnité en application de l’article L.313-41 alinéa 2 du Code de la Consommation.



A noter, à compter du 15e jour suivant la demande de remboursement, cette somme est productive d'intérêts au taux légal majoré de moitié (article L.341-35 du Code de la Consommation), soit 10,23 % pour le second semestre 2023.



Que se passe-t-il quand l’acquéreur n’a pas remis d’offre ni de refus de prêt et qu’il n’a pas non-plus renoncé au bénéfice de la condition suspensive ?



II. La non-réalisation de la condition suspensive d’obtention de prêt par la faute de l’acheteur.



1. L’article 1304-3 alinéa 1er du code civil dispose : « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement. »



En application de ce texte, si – par sa faute – l’acheteur n’a pas obtenu son financement, il perd le bénéfice de la condition suspensive, c’est-à-dire qu’il est juridiquement, obligé d’acheter même s’il n’a pas obtenu son crédit.



En pratique, le vendeur n’ayant pas l’assurance du financement du prix d’acquisition par l’acquéreur (même plutôt la preuve de l’inverse), il préfèrera dénoncer la promesse de vente et retrouver sa liberté de vendre le bien à un tiers, plutôt que de la forcer par voie judiciaire.



Pour dénoncer la promesse de vente, le vendeur devra respecter la procédure fixée par la promesse de vente.



La promesse de vente peut prévoir une caducité d’office, même sans mise en demeure préalable de l’acheteur.



Cette hypothèse est assez rare, cette clause de caducité d’office se retrouve principalement dans les promesses de vente rédigées par les agents immobiliers, lesquels privilégient la remise en vente rapide du bien, dans l’intérêt de leur mandant (vendeur).



Quand l’expiration de ce délai n’entraine pas une caducité automatique de la promesse de vente, l’avant contrat prévoit en général que ce délai constitue le point de départ à partir duquel le vendeur pourra contraindre l’acheteur à s’exécuter, c’est-à-dire, à réitérer la vente par acte authentique.



Cette clause est souvent libellée en ces termes :


« La date d'expiration de ce délai ou de sa prorogation n'est pas extinctive mais constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter. »



Le vendeur devra, dans cette hypothèse, prononcer la résolution de la promesse de vente, aux torts de l’acheteur.



Il ne peut donc pas déduire la faute de l’acheteur de l’absence de remise d’offre ou de refus de prêt dans le délai fixé à la promesse de vente. Il doit s’assurer qu’il renonce bien à la vente, même sans son financement.



Pour cela, concrètement, si toutes les autres conditions suspensives sont réalisées, le vendeur devra sommer l’acquéreur de signer l’acte authentique par exploit d’huissier, à une date proposée par l’étude notariale du vendeur.



Si l’acquéreur ne se présente pas, le vendeur demandera au notaire de rédiger un procès-verbal de carence, lequel établi la preuve du refus de signer l’acte authentique par l’acquéreur et emporte résolution de la vente en raison de l’inexécution de ses obligations par l’acheteur.



Le vendeur retrouve alors sa liberté de vendre le bien à un tiers.




2. Que la promesse de vente soit devenue caduque ou qu’elle ait été résolue, l’acheteur - par la faute duquel la condition suspensive a défailli – est - ensuite - redevable d’une indemnisation vis-à-vis du vendeur, laquelle correspond, en règle générale, à 10 % du prix de vente. Cette indemnité est prévue à la clause dite d’indemnité conventionnelle ou clause pénale de la promesse de vente.



A l’évidence, l’acquéreur est fautif quand :



  • Il n’a pas demandé son prêt,


  • Il a demandé un prêt à des conditions moins avantageuses que celles stipulées à la condition suspensive, et telles qu’il ne pouvait que lui être refusé :


Montant supérieur : Cass. 3e civ. 19-5-1999 n° 97-14.529 ; Cass. 3e civ. 16-1-2013 n° 11-26.557

Durée de remboursement plus courte : Cass. 3e civ. 17-10-2019 n° 17-21.859

Taux inférieur : Cass. 3e civ. 20-11-2013 n° 12-29.02

Différé de 24 mois non prévu à la promesse de vente : Cass. 3e civ. 13-10-1999 n° 98-12.025



  • Il a fait preuve de négligences, démontrant qu’il a tout fait pour ne pas obtenir son prêt (dossier incomplet, défaut de fourniture des pièces demandées à l’établissement bancaire mais également à l’organisme de caution et l’assurance, renseignements donnés sciemment insuffisants, etc…),



  • Il a demandé le crédit en nom propre et non en SCI, tandis qu’il savait la demande en nom propre vouée à l’échec et s’était engagé à la promesse de vente à demander une offre de prêt au nom d’une SCI constituée avec des tiers.

Cass. 3e civ. 12-2-2013 n° 12-13-760



Dans certaines situations, la faute de l’acquéreur n’est pas caractérisée avec autant d’évidence. Passons en revue ces situations.


  • L’acquéreur a déposé tardivement sa demande de prêt.


Par arrêt rendu le 19 juin 1990, la Cour de Cassation a retenu que l'acquéreur était fautif pour avoir formulé sa demande de prêt le jour de l'expiration de la promesse alors qu'il s'agissait d'un délai prorogé après un refus de prêt.


Cass. 1e civ. 19-6-1990 n° 88-16.196 : Bull. civ. I n° 175


En revanche, la responsabilité de l’acquéreur a été écartée malgré un dépôt tardif de demande de prêt car il n’avait pas été constaté que le retard était à l'origine du refus de la banque.

Cass. 3e civ. 7-11-2007 n° 06-14.227



  • L’acquéreur n’a pas remis de refus de prêt d’établissements bancaires mais une attestation d’un courtier.


La Cour de Cassation a considéré, par un arrêt rendu le 12 février 2014, que l’acquéreur n’était pas fautif car la promesse de vente prévoyait que les démarches devaient être faites « auprès d'organismes financiers et notamment tout organisme bancaire ».


Cass. 3e civ. 12-2-2014 n° 12-27.182




  • L’acheteur a remis des attestations de complaisance.


Le vendeur sera enclin à craindre que la banque habituelle de l’acheteur ait établi une attestation de complaisance compte tenu de sa relation commerciale avec l’acquéreur.


Il incombe alors au vendeur d’en rapporter la preuve, ce qui n’est pas chose facile, d’autant que les Tribunaux n’obligent pas les organismes de crédit à produire les dossiers de demandes de prêts des acquéreurs aux vendeurs qui en feraient la demande, même par voie judiciaire.


TGI Brest - Ordonnance du Juge des référés du 29 juin 2009



  • L’acquéreur n’a pas remis au vendeur une offre de prêt mais un accord de financement d’un établissement bancaire.



La Jurisprudence a été amenée à se prononcer sur la notion d’offre de prêt, lorsque l’acquéreur a remis – dans le délai de la promesse – un accord de financement de la banque, et qu’il a ensuite communiqué l’offre de crédit respectant le formalisme du Code de la Consommation après ce délai.



La jurisprudence retient qu’un accord ferme et sans réserve d’un établissement bancaire suffit, le vendeur ne pouvant valablement se désengager de la vente.


Cass. 3e civ. 24-9-2003 n° 02-11.815 : RJDA 1/04 n° 89



La Cour de Cassation a précisé la notion d’accord ferme et sans réserve par deux arrêts rendus le 7 novembre 2007 :


- Ne constitue pas un accord ferme et sans réserve, selon la Cour de cassation une « attestation d’accord de principe » de la banque – un accord « de principe » n’étant pas un accord « ferme »,

Cass. 3e civ. 7-11-2007 n° 06-17.413 : RJDA 3/08 n° 245


Cette Jurisprudence a été récemment confirmée par un arrêt rendu le 9 novembre 2023

:"un accord de principe ne constitue pas une offre ferme et sans réserve caractérisant l'obtention d'un prêt."

Cass. Civ. 3ème 9 nov. 2023, pourvoi 22.13900


- Constitue un accord ferme et définitif un courrier électronique d'une banque comprenant une proposition de prêt de 105.000 € aux conditions prévues dans la promesse de vente, ainsi qu'une lettre ultérieure de la même banque notifiant son accord à l’acquéreur.


Par cet arrêt, la Cour de Cassation retient que le formalisme strict imposé par le Code de la consommation aux offres de prêt immobilier ne peut pas être invoqué par le vendeur pour contester l'offre reçue par l'acquéreur. La Cour retient que ce formalisme étant destiné à protéger l'emprunteur, lui seul peut en invoquer le non-respect.


Cass. 3e civ. 7-11-2007 n° 06-11.750 : RJDA 3/08 n° 244



  • L’acquéreur a remis son offre de prêt ou ses refus de prêt au-delà du délai prévu à la promesse de vente.


Comme vu précédemment, si le dépassement du délai entraine une caducité d’office, le vendeur se trouve libéré de son obligation de vendre.



Hormis cette hypothèse, le délai est – en règle générale – prorogé, avant son terme et selon les formes précisées à la promesse de vente, jusqu’à la remise des refus ou de l’offre de prêt, et au plus tard, jusqu’à la date convenue ou imposée par le vendeur pour la réitération de la vente par acte authentique.



Si le vendeur refuse de proroger le délai convenu, il pourra tenter de provoquer la résolution de la vente et solliciter le versement de l’indemnité prévue à la clause pénale.



Point de vigilance : Si l’acquéreur a, avec constance, été diligent et réactif pour obtenir son financement, et n’a rien fait – au contraire – pour en « empêcher l’accomplissement » comme le prévoit l’article 1304-3 alinéa 1er du Code Civil, il est probable qu’un Tribunal rejettera la demande de versement de l’indemnité prévue à la clause pénale ou la réduira – jusqu’à 1 € symbolique – comme l’y autorise l’article 1231-5 du Code civil.



Le vendeur a donc intérêt à saisir un Tribunal d'une demande de condamnation de l'acquéreur à lui verser l'indemnité prévue à la clause pénale toutes les fois où (et à la condition qu'il ait) la conviction et la preuve que l'acquéreur n'a rien fait pour obtenir son prêt - ou tout fait pour ne pas l'obtenir.



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