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Rémunération ou indemnisation de l’agent immobilier évincé de la vente immobilière

Dernière mise à jour : 29 oct. 2023




1. Le mandat de vente immobilière.



Par le mandat de vente immobilière, le propriétaire, mandant, charge l'agent immobilier, mandataire, de lui trouver un acquéreur en vue de lui vendre son bien à un certain prix. En contrepartie, le vendeur s’engage à verser une rémunération à l'agent mandataire.



Le mandat peut être simple, exclusif ou semi-exclusif. Dans ce dernier cas, le vendeur s’engage à ne pas mettre en concurrence l’agent immobilier ni à vendre le bien à un acquéreur qui lui aurait été présenté par l'agent mandataire mais il est autorisé à commercialiser son bien par lui-même (notamment par annonces diffusées sur internet).



Lorsqu'il est conclu entre personnes privées, le mandat est soumis à la Loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite Loi HOGUET, laquelle est « d’ordre public » c’est-à-dire qu’elle s’impose à la volonté des parties, elles ne peuvent y déroger.




2. La rémunération de l'agent immobilier : la règle, l'exception à la règle.



La règle : en application de l’article 6.I alinéa 8 de la Loi HOGUET, aucune rémunération n’est due à l’agent mandataire - ni ne peut être exigée ou acceptée par celui-ci - avant que la vente n’ait été effectivement conclue :


« Aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif d'honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties. »



L’exception à la règle : l’alinéa 6.I alinéa 9 de la loi HOGUET dispose :


« Toutefois, lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle des honoraires sont dus par le mandant, même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause recevra application dans les conditions qui seront fixées par décret. La somme versée par le mandant en application de cette clause ne peut excéder un montant fixé par décret en Conseil d'Etat. »



L’article 78 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d’application de la loi HOGUET, dispose à ce titre :


« Lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale, ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle des honoraires seront dus par le mandant même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause ne peut recevoir application que si elle résulte d'une stipulation expresse d'un mandat dont un exemplaire a été remis au mandant.


Cette clause, mentionnée en caractères très apparents, ne peut prévoir le paiement d'une somme supérieure au montant des honoraires stipulés dans le mandat pour l'opération à réaliser. »



C’est la raison pour laquelle la quasi-totalité des mandats de vente immobilière prévoient que l’inexécution fautive de ses obligations par le vendeur ouvre droit au versement d’une indemnité compensatrice de la perte de revenus de l’agent immobilier.



Il est d’usage que cette « clause pénale » - qui peut être autrement dénommée - prévoit que l’indemnité due sera égale à la rémunération contractuellement convenue.




3. En pratique, quelles sont les hypothèses dans lesquelles la clause pénale du mandat de vente immobilière est appliquée ?



La clause pénale pourra trouver à s’appliquer :


D’une part, lorsque la vente est conclue : il s’agira alors de compenser la perte de revenus de l’agent immobilier, évincé à tort de la vente conclue par le fruit de son travail,


D’autre part, dans certains cas limités, même lorsque la vente n’est pas conclue : :


- par la faute du vendeur : il peut être sanctionné pour les manquements commis aux obligations stipulées au mandat de vente immobilière,


- par la faute de l'acquéreur : si ses manquements sont à l'origine de l'échec de la vente, ce qui a pour effet de priver l'agent immobilier de sa rémunération.




1. La mobilisation de la clause pénale lorsque la vente est conclue :



Lorsque la vente est conclue en violation des règles fixées par le mandat de vente, sans son concours, l'agent immobilier est en droit de solliciter une indemnisation - équivalente à la rémunération contractuellement convenue. L’indemnité est alors versée au titre de la perte de sa rémunération.



Exemples :


- Lorsque la vente est conclue avec un acquéreur présenté par un autre agent immobilier alors que le vendeur s’était engagé dans le cadre d’un mandat exclusif de vente avec l’agent immobilier,


- Lorsque la vente est conclue avec un acquéreur ayant répondu à une offre de vente publiée par internet par le vendeur lui-même, alors qu'il s’était engagé dans le cadre d’un mandat exclusif de vente avec l’agent immobilier,


- Lorsque la vente est conclue avec l’un des candidats acquéreurs présenté par l’agent immobilier mais sans son concours (hypothèse de la « vente en catimini »).




2. La mobilisation de la clause pénale lorsque la vente n’est pas conclue :



En principe, aucune indemnité n’est due à l’agent immobilier en application de l’article 6 de la Loi HOGUET précité.



Ce principe connait deux exceptions.



1. Quand l'agent immobilier a été privé de ses honoraires par la faute du VENDEUR :



La Cour de Cassation retient avec constante que l’agent immobilier ne peut solliciter de rémunération ni la mobilisation de la clause pénale lorsque la vente n’a pas été conclue sauf faute du vendeur.


Cass. Civ. 1ère 25 nov. 2020, pourvoi n°19-18.144

Cass. Civ. 1ère, 16 nov. 2020, 15-22.010

Cass.Civ. 3ème, 9 juill. 2014, pourvoi n°13-19.061



En pratique, quelles sont les hypothèses de faute du vendeur ouvrant droit au versement de l'indemnité prévue à la clause pénale ?



Tout d’abord, tel n’est pas le cas lorsque le vendeur refuse des offres d’achat présentées par l’agent immobilier, même si elles sont au prix du mandat.



A ce titre, la plupart des mandats de vente prévoient une clause imposant au vendeur d’accepter toute offre d’achat présentée au prix mandat, sous peine de se voir imposer le versement d’une pénalité.


La jurisprudence considère toutefois que cette clause n’est pas valable car le vendeur mandant doit rester libre d’accepter ou non les offres d’achat.


Cass. Civ. 1ère 16 nov. 2016, pourvoi n°15-22010

Cass. Civ. 1ère 3 mai 2018, pourvoi 17-16657

Cass. Civ. 1ère 1er juillet 2020, pourvoi 19-14.381

Cass. Civ. 1ère 15 juin 2022, pourvoi n°20-22.047

Cass. civ. 3ème 25 mai 2023, pourvoi n°21-25661



Le vendeur ne commet pas non-plus de faute susceptible de justifier la mobilisation de la clause pénale lorsque la vente n’a pas abouti en raison de l’absence de réitération par acte authentique par suite, par exemple :


- de la non-réalisation des évènements érigés en conditions suspensives malgré les diligences des parties, telle que la non-obtention d’un prêt ou d’une autorisation d’urbanisme,


- de la rétractation de l’acquéreur dans le délai de 10 jours ayant suivi la signature de la promesse de vente en application de la Loi SRU,



La Cour d'Appel de TOULOUSE a également retenu, par un arrêt rendu le 23 mai 2023, que l'agent immobilier ne pouvait prétendre au paiement de l'indemnité prévue à la clause pénale du mandat dans une affaire où le vendeur avait refusé de signer le compromis, après avoir découvert, après signature de l'offre d'achat, qu'il serait tenu de régler un impôt sur la plus-value immobilière de 40.000 €.


CA DE TOULOUSE, arrêt n°21/01979



La Jurisprudence retient en revanche que le vendeur a commis une faute justifiant que soit mobilisée la clause pénale lorsqu'il s’est rétracté de la vente après la signature de la promesse synallagmatique de vente sans motif valable, tandis que l’ensemble des conditions suspensives avaient été réalisées dans les délais convenus.


Cass. Civ. 1ère 9 déc. 2010 pourvoi n°09-71205

Cass.Civ. 3ème civ. 3 juin 2008 pourvoi n°07-13990

Cass. Civ. 1ère 10 octobre 2018, pourvoi n°16-21044 « la signature de la promesse synallagmatique de vente constituait un accord définitif sur la chose et le prix, et que le vendeur ne pouvait, sans commettre une faute refuser de la réitérer, faisant ainsi ressortir que l’opération avait été effectivement conclue. »



La Cour de Cassation a également retenu dernièrement par un arrêt du 16 novembre 2022 que la clause pénale du mandat doit recevoir application - même si la vente n’a pas été conclue – pour un vendeur ayant confié un mandat exclusif de vente à un agent immobilier tandis qu'il l'a commercialisé en parallèle par annonces publiées sur internet 4 mois après la conclusion du mandat de vente exclusif.


Cass. Civ. 3ème 16 nov. 2022 pourvoi n°21-22.400



En tentant de vendre directement, sans le concours de cet agent immobilier, son appartement à Nice, malgré les termes du mandat exclusif, le vendeur a dû payer la commission de 10.000 € de l'agent immobilier, alors même qu'il n'avait pas vendu son appartement !



2. Quand l'agent immobilier a été privé de ses honoraires par la faute de l'ACQUEREUR :


La jurisprudence retient que l'agent immobilier peut agir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l'article 1240 du Code Civile, à l'encontre de l'acheteur, pour solliciter le versement de ses honoraires lorsque l'acheteur, notamment :


- n'a pas réitéré la vente tandis que toutes les conditions suspensives étaient réalisées,


- n'a pas accompli les diligences prévues à la promesse de vente pour réaliser les évènements érigés en condition suspensive (aucune recherche sérieuse du crédit, aucun dépôt d'autorisation d'urbanisme, etc).



Point de vigilance : ces indemnités prévues au mandat de vente sont des clauses pénales, leur montant reste soumis au pouvoir de révision du juge en application de l’article 1231-5 du Code civil, permettant au juge de modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. En d’autres termes, le vendeur peut toujours saisir le juge d’une demande de diminution de l’indemnité prévue à la clause pénale.



Le Cabinet Sylvie MARCILLY se tient à votre disposition pour traiter tout litige en rapport avec le présent article.



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