⚖️ CA Amiens 8‑10‑2024 RG n° 23/02681
Des acquéreurs achètent une maison par compromis et décident de ne pas réitérer la vente par acte authentique, découvrant - malgré les mentions figurant à l'état des risques et pollution annexé à l'avant-contrat - que le vendeur leur a dissimulé avoir subi, une année auparavant, une "inondation par ruissellement".
Les vendeurs assignent les acquéreurs pour réclamer le paiement de la somme prévue par la clause pénale.
Les acheteurs demandent la nullité de l'avant-contrat, sur le fondement de la réticence dolosive des articles 1130 et 1137 du code civil.
Les vendeurs répliquent que le risque d'inondation était renseigné dans l'état des risques et pollution.
Les acheteurs répliquent que les mentions sont illisibles et incompréhensibles.
La Cour d'Appel donne raison aux acheteurs, elle retient :
"Il est exact, comme le souligne Mme [U], que figure parmi les 12 annexes du compromis du 15 juillet 2022 un document intitulé 'état des risques et pollutions' qui comporte trois tableaux dont le troisième, « état des risques complémentaires (Géorisques)' répond 'oui' aux questions :
« Présence d'un AZI sur la commune sans plus d'informations sur l'exposition du bien »,
« Présence d'un PAPI sur la commune sans plus informations sur l'exposition du bien »,
« Zones potentiellement sujettes aux inondations de caves fiabilité MOYENNE (dans un rayon de 500 mètres)'.
Cependant, ces expressions techniques sont totalement obscures pour un acquéreur profane. Elles ne peuvent remplacer une mention ou un propos explicite. En outre, le document est inséré dans un bloc d'une centaine de pages comportant 12 documents techniques (DPE, diagnostic électricité, etc.) et rien ne vient attirer l'attention des acquéreurs sur sa portée concrète."
Si la Cour de cassation a déjà retenu qu’une vente peut être annulée pour réticence dolosive dans le cas où le vendeur n’avait pas informé l’acquéreur que le bien vendu avait été inondé au moins à deux reprises (Cass. 3e civ. 3‑3‑2010 n° 08-21056 ; Cass. 3e civ. 24‑5‑2018 n° 17-17369), il demeure que la portée de cet arrêt est lourde (un pourvoi en Cassation sera peut-être engagé).
Cet arrêt signifie que le vendeur n'est pas déchargé de son devoir d'information nonobstant la teneur des documents techniques qu'il a pourtant communiqués à l'acquéreur.
Cette décision est également lourde de conséquence pour l'agent immobilier et le notaire instrumentant la vente, tenus d'expliciter leur teneur dans l'avant-contrat par des termes clairs et intelligibles pour un profane, sur les risques encourus, et nommant, en termes de constructibilité.
CA Amiens 8‑10‑2024 RG n° 23/02681
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