top of page

Sécheresse : des fissures préexistantes non réparées, causées par une faiblesse structurelle d'origine, n'empêchent pas l'application de la garantie catastrophe naturelle.

  • sylviemarcilly
  • 10 sept.
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 sept.


CA D'ORLEANS, Arrêt du 15 juillet 2025 RG 22/02751




Les assureurs recourent fréquemment aux mêmes arguments pour tenter de refuser l’indemnisation des sinistres liés à la sécheresse, alors même qu’ils relèvent de la garantie obligatoire « catastrophe naturelle » des contrats multirisque habitation.



L’un de leurs arguments récurrents consiste à attribuer l’apparition des fissures :


  • soit aux caractéristiques propres de la construction : absence de gouttières ou de descentes d’eaux pluviales, défaut de trottoir ou de membrane d’étanchéité, absence d’écran anti-racines ;


  • soit à des malfaçons ou faiblesses structurelles : fondations trop peu profondes, absence de joints de dilatation entre différentes parties du bâtiment, etc.



Or, la jurisprudence rappelle de manière constante que de telles faiblesses n’excluent pas la mise en jeu de la garantie « catastrophe naturelle », dès lors que la sécheresse est bien identifiée comme la cause déterminante et déclenchante des désordres.



L’arrêt commenté en apporte une nouvelle illustration.




Garantie catastrophe naturelle applicables même si le bâtiment présentait de multiples faiblesses structurelles
























Dans cette affaire, Mme [W], propriétaire d'une maison d'habitation située dans une commune reconnue en état de catastrophe naturelle par arrêté du 21 mai 2019 pour des dommages causés par des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2018, déclare un sinistre à son assureur habitation, pour des fissures qu'elle attribuait à la sécheresse de 2018.



L'assureur refuse de prendre en charge le sinistre au titre de l'état de catastrophe naturelle.



Mme [W] sollicite l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire, laquelle est ordonnée en référé le 4 septembre 2020. L'expert judiciaire dépose son rapport le 15 mars 2022.



Le 28 juin 2022, Mme [W] fait assigner son assureur devant le tribunal judiciaire d'Orléans, aux fins de paiement des indemnités d'assurance.



Par jugement en date du 2 novembre 2022, le tribunal judiciaire d'Orléans a condamné l'assureur, lequel interjette appel de la décision.



L'assureur soutient :


  • qu'il appartient à la demanderesse de démontrer l'existence de dommages matériels en lien de causalité déterminante et certaine avec l'intensité anormale d'un agent naturel, en l'occurrence ici, la sécheresse, au regard de l'article L.125-1 du code des assurances ; que l'expert, pourtant questionné précisément sur ce point au travers de sa mission, n'a pas indiqué que la sécheresse aurait été la cause déterminante des désordres ;


  • que cette notion même de « cause déterminante » est également absente des motifs du jugement, comme si le tribunal s'était affranchi du principal critère posé par l'article L 125-1 ;


  • que l'expert laisse entendre que les causes sont multiples et que la cause originelle et donc déterminante est la faiblesse structurelle dont souffre l'immeuble depuis l'origine ; qu'il admet simplement que les sécheresses successives de ces dernières années n'ont pu qu'amplifier considérablement le phénomène, sans aucune certitude technique ;


  • que la cause déterminante s'apprécie en référence à un épisode de sécheresse que les arrêtés « catastrophe naturelle » délimitent précisément dans le temps ; que la mise en oeuvre de l'article L.125-1 qui implique une appréciation rigoureuse, qui ne peut s'accommoder d'un raisonnement qui consisterait à globaliser l'ensemble des périodes de sécheresses pour considérer que, si un seul des épisodes n'a pu jouer un rôle déterminant, ce caractère déterminant résulterait en revanche de la succession desdits épisodes ;


  • qu'on ne saurait davantage admettre le rôle causal déterminant de la sécheresse en même temps qu'il est admis que les fissures préexistaient à l'épisode de sécheresse, lequel n'aurait donc eu qu'un rôle aggravant que l'expert met en évidence ;


  • qu'on ne saurait admettre que l'assurée, connaissant la fragilité structurelle de son habitation et se trouvant confrontée régulièrement à l'apparition de fissures, comme ce fut le cas en l'espèce, s'abstienne de toute réparation structurelle (et non de simples colmatage) en attendant de pouvoir régulariser une déclaration de sinistre au prochain épisode de sécheresse lorsque, l'ouvrage étant de plus en plus affaibli par les différents aléas climatiques, le phénomène récurrent de fissurations s'aggraverait de trop ;


  • qu'aucun des éléments produit aux débats ne permet de considérer que l'épisode de sécheresse survenu du 1er juillet 2018 au 31 décembre 2018 constituerait une cause déterminante des fissures ; que les conditions de l'article L 125-1 ne sont pas réunies.




Mme [W] a répliqué :


  • que si le lien de causalité est nécessaire entre la catastrophe naturelle et le dommage, il n'est pas exigé que l'événement naturel soit la cause exclusive, mais la cause essentielle ; qu'il résulte du rapport d'expertise que les désordres constatés consistent en des fissurations apparues sur les façades ouest, nord, est et sud de la maison d'habitation consécutifs d'un épisode de sécheresse de l'été 2018 ;


  • que si certaines fissures plus anciennes sont apparues avant la période visée par l'arrêté, elles ont toutes évolué et se sont agrandies entre temps ;


  • qu'il résulte de l'analyse de l'expert que la forte sensibilité des sols d'assise des fondations au phénomène de retrait-gonflement en constitue la cause essentielle ;


  • que si l'immeuble est atteint d'une faiblesse structurelle n'ayant donné lieu qu'à des fissurations anciennes et limitées, l'expert a clairement établi que les désordres ont pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel et en l'occurrence la sécheresse ;


  • que l'immeuble a en effet été construit en 1954 et n'a présenté malgré sa faiblesse structurelle aucun désordre à l'exception de quelques fissurations considérées par l'expert comme anciennes et limitées avant l'épisode de sécheresse de l'été 2018, soit pendant 68 ans ; qu'en conséquence, l'épisode de sécheresse de l'été 2018 est nécessairement la cause déterminante de l'aggravation des fissures préexistantes et de l'apparition des nouvelles fissures ; que dans ces conditions, la Macif est pleinement tenue d'indemniser le sinistre subi en application de l'article L.125-1 du code des assurances ; que dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la Macif à lui payer la somme de 59 601,30 € TTC au titre des travaux de reprise avec indexation sur l'indice du coût de la construction.



Réponse de la cour :


"S'agissant de la cause des désordres, l'expert judiciaire a indiqué : « la forte sensibilité des sols d'assise des fondations au phénomène de retrait-gonflement, associé à un manque de rigidité de ces dernières, à l'absence de joint structurel entre les différentes parties de l'habitation, ainsi qu'un potentiel défaut d'ancrage des fondations, joue un rôle prépondérant dans l'apparition des désordres observés ».


À la question de savoir si les désordres constatés auraient pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, en l'occurrence la sécheresse, l'expert judiciaire a indiqué : « cet immeuble souffre depuis l'origine d'une faiblesse structurelle favorisant les fissurations entre trois zones fondées à des niveaux différents et « chargées » de manière différente. Ce phénomène est à l'origine de fissurations anciennes et limitées. Cependant les sécheresses successives de ces dernières années ont pu amplifier considérablement ce phénomène ».


Il résulte de ces éléments que nonobstant la faiblesse structurelle de la maison d'habitation qui n'était d'ailleurs qu'à l'origine de fissures limitées, la sécheresse de l'été 2018, qui est un évènement naturel d'une intensité anormale, a aggravé les fissures existantes, faisant même apparaître des lézardes. En conséquence, cette aggravation de l'état des fissures préexistantes a pour cause déterminante la sécheresse de l'été 2018, sans laquelle elle ne se serait pas produite.


Le rapport d'expertise de M. [G] mentionnant que la maison de Mme [W] n'était pas prédisposée à subir ce type de désordres, ce qui explique qu'elle ait bien résisté à des épisodes de sécheresse antérieurs, Mme [W] ne pouvait prendre des mesures autres que le comblement des fissures apparues pour prévenir des dommages plus importants.


En conséquence, le sinistre déclaré par Mme [W] relève bien des dispositions de l'article L.125-1 du code des assurances. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Macif à payer à Mme [W] la somme de 59 601,30 euros TTC au titre des travaux de reprise avec indexation sur l'indice du coût de la construction, l'indice de référence étant celui en vigueur au premier trimestre 2022."



Les enseignements de cet arrêt :


  1. Fissures préexistantes.

    Des fissures préexistantes n'excluent pas la garantie catastrophe naturelle si la sécheresse a été la cause déterminante de l'aggravation de désordres anciens et/ou de l'apparition de désordres nouveaux.

  2. Analyse Temporelle

    L'analyse de la résistance historique du bâtiment aux événements climatiques antérieurs constitue un élément d'appréciation pertinent pour établir le caractère déterminant de l'épisode en cause.

  3. Incidence de l'absence de réparations et mesures préventives par l'assuré

    L'exigence de mesures préventives s'apprécie au regard de la prévisibilité raisonnable des dommages. Un propriétaire ne peut être tenu de procéder à des réparations structurelles majeures en l'absence de désordres significatifs antérieurs.


Le cabinet Sylvie MARCILLY se tient à votre disposition pour assurer la défense de vos droits - #avocatsécheresse

Commentaires


bottom of page